Beaux-Arts d'Orléans
UNE ODYSSEE ARTISTIQUE EN DEUX VOLETS A ORLEANS
Le Musée des Beaux-Arts d'Orléans invite pour sa deuxième exposition de sculptures monumentales le sculpteur de renommée internationale Johan Creten à investir l’espace public et le musée. L’exposition Johan Creten. Jouer avec le Feu s’articule en deux volets qui mettent en lumière l'évolution artistique de l’artiste belge en entrant pour la première fois dans son processus créatif, à partir des sculptures présentes dans la ville et dont le visiteur découvre au musée la fabrique à travers les dessins, études préparatoires et variantes. Artiste aux médiums multiples, de la céramique au bronze, Johan Creten réunit quarante ans de production qui écrivent la genèse de son œuvre. Cette immersion captivante offre une exploration approfondie de son travail, dévoilant des décennies d'inspirations et de créations à travers ses œuvres emblématiques et de nouvelles pièces.
Johan Creten est considéré comme l'un des précurseurs - avec Thomas Schütte et Lucio Fontana - de l'introduction de la céramique dans l'art contemporain. Fasciné par sa beauté, son impact symbolique et la richesse de son histoire, l'artiste explore le médium à travers de multiples techniques et échelles.
Sa formation en peinture apporte une autre dimension à son travail de sculpture, donnant à la glaçure et à ses couleurs un rôle principal dans les œuvres d'art.
Profondément influencé par l'environnement, le travail de Johan Creten est très varié, allant de délicates sculptures en argile à des bronzes monumentaux, un médium qu'il a introduit dans son travail plus récemment. Inventant des créatures et des formes fantasmagoriques et organiques et créant son propre monde imaginaire à travers elles, l'œuvre de Johan Creten révèle les propres engagements de l'artiste et soulève des questions existentielles telles que l'ambiguïté de la sexualité dans la race humaine et la force imprévisible de la nature, entre autres.
Cette œuvre énigmatique en bronze et dorée à la feuille d’or, est sortie d’une hallucination de l’artiste lors d’un voyage au Mexique. Il souffrait d’une inflammation des amygdales. Depuis sa fenêtre, il voyait un dattier avec des grappes de dattes, qui, au gré des jours, pourrissaient et tombaient. La fièvre lui donnait l’impression que sa gorge était comme ce dattier. Relevé de cette maladie et la fièvre passée, il imagina un homme dattier qui malgré la putréfaction pourrait briller et éblouir.
Le fruit est un élément chargé de symbolique et peut nous rappeler le fruit défendu de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal dans la religion chrétienne. Au contact de ce fruit, les hommes ne sont plus immortels mais accèdent à cette distinction bien / mal.
Pour l’artiste, ce fruit défendu, comme tous les autres, peut être amené à pourrir mais dans tous les cas, mûr ou abîmé, beau ou laid ce fruit resplendit et nous invite à nous relever. Johan Creten transforme ainsi ce qui semble inerte ou pourri en or. Enfin, parler de « strange fruit » c’est aussi évoquer le poème d’Abel Meeropol, chantée en 1939 par Billie Holiday. Un texte dénonçant le racisme aux États-Unis.
Placée sous les arcades du musée des Beaux-Arts, cette œuvre fait écho aux riches collections de sculptures visibles à l’intérieur, ou chacune d’entre elles nous donne à voir une vision d’un siècle et d’un artiste. Les excroissances dorées reflètent leurs douces lumières sur les arcades et leurs reliefs faussement désordonnés contrastent avec les droites rectilignes de la succession des arches en pierre.
La sculpture de Johan Creten représente un corps de femme qui a vécu et qui a probablement déjà enfanté. Un corps loin de ceux idéalisés dans les sculptures antiques. Un large buste meurtri dont le temps a modifié les contours et les formes.
Intitulé Mamma Morta, il rappelle cette chanson d’un opéra italien repris plus tard par Maria Callas, qui parle de la maladie, de la douleur mais aussi de la vie et de la mort.
Ce corps féminin de bronze, dont une possible blessure est sublimée à l’arrière, est surélevé sur un socle pour la valoriser à sa juste valeur. Une colonne torsadée, torturée, qui aux prémices du projet de l’artiste était un homme recroquevillé, représentatif de la pratique de Johan Creten dont les œuvres peuvent naître plusieurs années avant et évoluer au fil des expériences et de la réflexion de l’artiste.
Johan Creten raconte qu’un jour l’image d’une chauve-souris lui serait apparue alors qu’il était en train de regarder l'église de Broerekerk au Pays-Bas pour laquelle il réfléchissait à la création d’une fontaine. Cette vision lui a rappelé à quel point les chauve-souris, bien que mal-aimées, sont mystérieuses, symboliques et utiles. Dans la culture occidentale, ce mammifère volant est associé à la nuit et aux forces obscures. En Asie, elle symbolise le bonheur et la longévité. Protectrices, elles aident à maintenir la biodiversité en mangeant des insectes ravageurs. On peut aussi penser à Batman, ce héros justicier.
Avec cette sculpture, Johan Creten joue de cette relation jour/nuit, lumière et obscurité. Il revalorise cette espèce parfois injustement considérée. En aménageant des marches, il permet que le public puisse la chevaucher pour prendre de la hauteur et changer de regard sur ce qui nous entoure.
Placée sur le parvis de la Cathédrale, elle n’est pas sans évoquer les gargouilles, inspirées des chauve-souris, qui servaient à éloigner les démons !
Dans la mythologie grecque, Europa ou Europe est une princesse phénicienne dont le nom signifie «large terre ». Dans l’histoire de l’art, on la représente souvent sur un taureau blanc, incarnation de Zeus qui cherche à l’enlever pour la faire sienne.
Sur la sculpture de Johan Creten, l’Europe est associée à une chouette.
Attribut de la déesse Athéna, la chouette évoque l’origine grecque de ce terme qui aujourd’hui est un rassemblement de plusieurs pays. Également symbole de clairvoyance, la chouette se pose face à nous et nous questionne, sans donner de réponse, sur notre monde et sur ce rêve d’Europe unifiée que l’on a cherché ou cherche encore à construire.
Sous ses pattes, la sphère représentant la Terre, avec l’Europe bien visible, est craquelée. Est-elle en construction ou en destruction ?
À travers cette œuvre, comme de nombreuses autres, l’artiste originaire de Belgique (siège de l’Union Européenne) nous invite à nous poser pour réfléchir à ces sujets, à ces rêves encore questionnés aujourd’hui.
Cette grande chouette à la poitrine et au ventre ouvert est évocatrice de cette pratique nommée vivisection. Ces opérations chirurgicales et tests menés sur des animaux vivants sont pensés non pas pour soigner mais pour mieux connaître ou expérimenter autrement que sur les hommes. Combat actuel, les expériences sur les animaux se font pour la production de nombreux produits et mènent toujours à la mort de l’animal.
Face à ces enjeux sociétaux, la sculpture de Johan Creten nous questionne sur notre responsabilité au regard de cette pratique. La chouette éventrée et symbolique de la clairvoyance, dispose d’un banc pour nous accueillir en son sein et renverser le regard. Nous nous trouvons alors au cœur de cet enjeu.
Au cœur de la cour fermée de l’Hôtel Cabu, la plus petite des sculptures du parcours se laisse observer.
Œuvre plus intime de l’artiste, on peut y apercevoir un homme recroquevillé sur lui, bouche ouverte et au dos rond. Nommée Sans titre, cette œuvre peut évoquer les étapes intermédiaires de la pratique de l’artiste, passant par de nombreuses études et dessins que l’on peut retrouver de manière inédite dans le parcours des collections permanentes du musée des Beaux-Arts.
L’artiste Johan Creten s’est toujours défendu d’être un sculpteur animalier. Il agit comme un fabuliste, utilisant les animaux pour évoquer des caractères et caractéristiques humains. Ces sculptures, comme les fables, nous invitent à nous questionner sur notre monde, nos actes et notre place d’homme sur la Terre. Ainsi nous pourrions être mouche, poux ou sauterelle selon nos actes ou notre vision.
Cet insecte a longtemps évolué dans l’esprit de l’artiste, depuis sa résidence à la Villa Médicis à Rome entre 1996 et 1997. Cette mouche évoque à la fois la réalité, faisant écho aux natures mortes dans la peinture ancienne, agissant en trompe-l’œil ; mais aussi la putréfaction ou parfois encore ces hommes et femmes envahissants.
À présent, cette mouche ne dispose plus de pattes, mais de deux jambes humaines. Elle détient un large abdomen comme si elle était enceinte et se trouve allongée sur le dos. Affaiblie, elle est morte ou très fatiguée de son environnement.
En sculptant cette mouche morte, l'artiste parle à la fois du réchauffement climatique, de la fragilité et de la disparition de certains insectes ; mais aussi de notre propre condition face aux problèmes de santé. Souvent petite et insignifiante, morte dans un coin de fenêtre, elle est ici énorme pour nous confronter à nos responsabilités ou encore à notre futur commun possible.
Tel Jean de la Fontaine, l’artiste Johan Creten utilise les animaux pour représenter certains caractères humains. Depuis l’auteur grec Ésope jusqu’aux fabulistes du XIXe siècle, la sauterelle est associée à l’artiste. Tout comme la cigale ou le criquet, elle saute, elle chante ou elle danse. Légère elle prend de la hauteur et de la distance. Incarnant une certaine liberté, en opposition à la fourmi qui travaille tout l’été, la sauterelle est ainsi pour l’artiste belge une forme d’autoportrait.
Devenue imposante et en bronze, cette Grande Sauterelle s’affirme. Comme Johan Creten elle confirme l’importance de la présence des artistes en ce monde, de leur liberté et de leur travail créatif. Car à travers ses créations, un artiste peut nous interroger et nous délivrer un autre regard sur le monde.
Installée dans le grand parc Louis Pasteur, proche du MOBE (muséum d’Orléans pour la Biodiversité et l’Environnement) et bien plus visible que le petit spécimen vivant de 50 millimètres, parfois oublié dans cet écosystème, la Grande Sauterelle prend alors un sens de lecture complémentaire : nos comportements humains face aux problématiques écologiques.
Comme de nombreuses sculptures de l’artiste Johan Creten, The Herring, qui signifie "le hareng", a eu plusieurs versions, de la plus petite à la plus grande.
Ainsi cette femme au hareng est aujourd’hui visible au Parc Louis Pasteur, au musée des Beaux-Arts mais également dans sa version monumentale sur l’une des plages de Beaufort à l’occasion de la Triennale. La mer recouvre alors progressivement les pieds de cette mère de bronze comme un souvenir d’enfance passé : à l’âge de 7 ans, il créa une petite construction en bois sur la plage qui avait rapidement été engloutie par la mer. Il aurait alors pris conscience que la vie était éphémère et du combat incessant d’un artiste pour ses créations.
Dans le cadre de l’exposition à Orléans, Johan Creten a souhaité poser plusieurs de ses sculptures sur des abreuvoirs trouvés dans la région. Réalisés en terre, ils accueillent l’eau essentielle à la vie. Posés à la verticale, les trois abreuvoirs deviennent des socles mais aussi des stèles. Disposés à même la terre du parc, ils relient ses sculptures à cette matière première et brute qu’est la terre ou l’argile, avec laquelle il crée ses sculptures en céramique avant de les couler en bronze. Une terre d’où nous provenons et où nous retournons.
Johan Creten porte un regard perçant sur le monde et cherche à remettre sur un piédestal certaines espèces moins bien considérées par les hommes. C’est le cas de ce poulpe dont les tentacules dessinent une colonne ciselée et finement travaillée, évoquant les colonnes torses ou cannelées des civilisations anciennes.
Associer le poulpe à une colonne revient à l’élever, mais aussi à parler du temps et de l’évolution de notre monde. Capable de se transformer pour tromper ses proies et échapper à ses prédateurs, le poulpe symbolise notre force d’adaptation face aux changements (temporels, politiques, civilisationnels, climatiques…).
Cette œuvre fut créée en 2022 pour une exposition à l’Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, un lieu historique et religieux, protégé par la vallée de la Seye. Elle était alors présentée dans le cœur de l’abbaye (la salle capitulaire), créant ainsi des connexions avec le lieu qui l’accueillait.
Sculpture éponyme de l’exposition Le cœur qui déborde, elle représente un personnage énigmatique à la poitrine ouverte au niveau du cœur. Comme si ce dernier, si gros, avait transpercé ce personnage.
Le cœur déborde et crée une ouverture à travers laquelle regarder et voir ce qui nous entoure. Johan Creten nous invite alors peut-être à regarder le monde avec notre cœur, avec passion et amour.
À Orléans, l’artiste a choisi de la présenter près de la porte de l’ancienne église saint Samson du collège des Jésuites, aujourd’hui installée à l’une des extrémités du parc Louis Pasteur. Ce choix renforce l’idée d’un passage possible entre la sculpture, nos émotions et nos sentiments.
- Mardi/mercredi/vendredi : 10h-18h
- Jeudi : 10h-20h
- Samedi : 10h-18h
- Dimanche : 13h-18h